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  • Photo du rédacteurAudrey KG

Le Violentomètre du monde scientifique : mieux comprendre les violences sexistes académiques

Suite à mon précédent post, j'ai trouvé (dans un forum Discord de doctorant-e-s et jeunes docteur-e-s, que je vous recommande mais dont je ne partage pas le lien parce qu'il expirerait au bout de 7 jours => Google) un outil fort intéressant pour se former aux violences sexistes et sexuelles. Notez que je n'aime pas dire VSS parce que ça masque la gravité du concept - les acronymes, ça va bien deux secondes, pour les EVJF.

Cet outil est une échelle graduée décrivant des comportements que l'on peut rencontrer dans le milieu académique, colorés en fonction de leur acceptabilité (vert = OK, rouge = pas OK). Il inclut une section sur les environnements de travail bienveillants pour fournir une base de comparaison. Cet outil a été initialement développé par Dre Martha Alicia Tronco Rosas, et adapté en 2024 pour le monde académique et scientifique par l'UNIGE et la Fondation l'Oréal. Pour ma part, j'ai déjà eu droit à quelques comportements jaunasses pendant ma thèse. C'est arrivé très rarement au sein même de mon équipe, un peu moins rarement à l'échelle du labo ou de l'université.


Dans l'angle mort : blagues sexistes en cours et fenêtre d'Overton

Il manque à cette échelle le comportement inacceptable suivant, auquel j'ai régulièrement été confrontée : "Pendant tes cours et tes formations, l'enseignant-e propose des contenus sexiste / fait des blagues sexistes." En l'occurrence, il s'agissait d'enseignants hommes, plutôt seniors, que par ailleurs je considère comme des personnes compétentes, sympathiques et humaines. Mais ces personnes sont, je crois, enfermées dans des schémas anciens qui autorisaient ce genre de comportement tant qu'ils n'étaient pas accompagnés de gestes déplacés ou de discrimination flagrante, par exemple sur les notes. Malheureusement, ce type d'humour, en particulier lorsqu'il est proposé par des enseignants, qui ont par définition un ascendant sur leur public étudiant, banalise le sexisme.

La fenêtre d'Overton est un concept qui aide à comprendre comment cette manifestation du sexisme qu'est la petite blague anodine peut contribuer à normaliser des comportements plus graves et inacceptables. Elle tient son nom du politologue Joseph P. Overton, qui a proposé cette théorie. Cette fenêtre décrit la gamme d'idées considérées comme acceptables dans le discours public à un moment donné. La fenêtre se déplace au fil du temps, permettant à des idées autrefois impensables ou radicales de devenir acceptables, voire populaires. Lorsque des idées situées à la marge de cette fenêtre sont répétées et normalisées, la fenêtre se déplace, rendant ces idées plus acceptables.

AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) et Trump qui tirent sur la fenêtre d'Overton. Pour certains observateurs, cette fenêtre s'est tellement élargie qu'elle est maintenant brisée. Si le sujet vous intéresse, allez consulter cet article en anglais, d'où provient l'illustration. Notez que je n'ai pas lu l'intégralité du site et que je n'approuve donc pas forcément tout son contenu, mais la réflexion de cet article me semble intéressante.


En gros, à force de répéter les blagounettes sexistes (comportement jaune-orange), on s'y habitue tellement qu'on finit par les considérer comme un comportement vert, et ainsi tout ce qui était dans le rouge redevient à peine jaune-foncé... une fois que les blagues sexistes sont acceptées, il devient plus facile pour des comportements plus graves de se manifester. Les petites transgressions initiales abaissent la barrière pour des actions plus sérieuses, créant un continuum de comportement sexiste.

Un outil à diffuser largement

J'ai fait suivre cet outil à mon Ecole Doctorale, et j'ai bon espoir qu'il y soit diffusé. En tant qu'étudiant-e, enseignant-e, chercheur-se, n'hésitez pas à le faire suivre également. Pour vous aider, voici quelques articles de presse grand public :

Certaines universités ont également communiqué sur le sujet :

  • Diffusion par l'Université Paris-Saclay (voir également le lien France Info ci-dessus)

  • Diffusion par l'Université Côte d'Opale

  • Diffusion par le Collège Doctoral Languedoc-Roussillon

  • Un grand bravo à l'Université Lyon 1 qui a carrément réalisé une compil des violentomètres disponibles (car oui, malheureusement, il en existe une myriade de déclinaisons)

  • Et une mention spéciale pour le violentomètre "d'origine" installé sur les marches de l'Université de Lorraine . Il s'agit de la version originale de l'outil, qui porte sur les violences dans les relations, et qui n'est pas spécifique au milieu académique. L'installation fait néanmoins son petit effet.

L'escalier-violentomètre de l'Université de Lorraine.


Quant aux laboratoires de recherche ... Il existe trop peu de laboratoires ayant partagé cet outil, et les positions anti-sexistes sont généralement faibles, de l'ordre de l'exerice imposé. Je n'ai trouvé aucun labo ayant communiqué sur le sujet. Vous allez me dire que ce n'est pas parce qu'ils ne communiquent pas qu'ils ne font rien. Possible. Pour ma part, il me semble plus probable que le discours mou sur le sujet soit le résultat du positionnement "on est très intelligent-es donc on sait bien que le sexisme n'existe pas chez nous". C'est vrai, ce n'est pas facile de partager ça dans un labo. Pour ma part, je suis passée par les groupes de doctorant-es car je n'avais pas trop envie de m'exposer directement en portant ça. Ca pourrait être une première étape pour vous aussi ?

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